Le Contrat Territorial d’Accueil et d’Intégration des primo-arrivants (CTAI)

Patrice Leclerc
Gennevilliers

Le Contrat Territorial d’Accueil et d’Intégration des primo-arrivants (CTAI) dont les bénéficiaires d’une protection internationale (BPI). Présentation au conseil municipal de Gennevilliers du 9 février 2024

L’objectif de ce contrat est de renforcer de manière qualitative le pilotage de la politique d’intégration des étrangers primo-arrivants à l’échelon local en assurant une coordination entre la délégation interministérielle, la Préfecture, la municipalité et les acteurs locaux avec l’ambition de mobiliser les compétences des acteurs concernés.

  • Qu’est-ce qu’un étranger primo-arrivant? C’est un ressortissant d’un pays tiers à l’Union européenne, séjournant régulièrement en France pour des motifs familiaux, professionnels ou humanitaires, et ayant vocation à s’y installer durablement. Ne sont pas des étrangers primo-arrivants : les étudiants internationaux, les demandeurs d’asile, les mineurs non accompagnés, les étrangers en situation irrégulière.
  • Qu’est-ce qu’un bénéficiaire de la protection internationale (BPI)? C’est une personne qui s’est vu attribuer soit le statut de réfugié par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), soit le bénéfice de la protection subsidiaire par la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA)

Un BPI est aussi un étranger primo-arrivant.

  1. Modalités du parcours d’intégration

1ère étape (socle) du parcours : le contrat d’intégration républicaine (CIR) / OFII

  • Un entretien d’accueil individuel à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)
  • Un test d’évaluation linguistique oral et écrit
  • Une formation linguistique (100, 200, 400 ou 600 heures pour les étrangers non scolarisés dans leur pays d’origine) avec une certification du niveau linguistique en fin de parcours
  • Une formation civique obligatoire (4 jours étalés sur 5 mois) : principes républicains, logement, santé, 25 % consacré à l’emploi avec un atelier obligatoire en fin de formation en 2022
  • Des conseils / orientations vers les services de proximité, notamment vers le service public de l’emploi
  • Un entretien individuel de bilan

2ème étape : La suite du parcours (compléments au CIR) / hors OFII mais en lien avec lui :

  • Des parcours linguistiques complémentaires vers les niveaux A2, B1 
  • Un meilleur accès au logement
  • L’aide à la scolarisation (classes adaptées pour les enfants allophones, dispositif d’accompagnement des parents – « Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants »)
  • Des actions d’accompagnement individualisées (accès aux droits, emploi, formation, mobilité, garde d’enfants, …)via :
    • le soutien à des associations
    • la mobilisation des collectivités territoriales
    • le développement de partenariats avec le monde économique
  1. Diagnostic Gennevilliers

Selon les données de l’Ofii, 259 primo-arrivants ont signé un CIR (contrat d’intégration républicaine) en 2021 à Gennevilliers et 117 primo-arrivants ont signé un CIR au cours du 1er semestre 2022, soit 376 personnes sur une période d’un an et demi.

Un tiers des primo-arrivants de Gennevilliers sont des bénéficiaires de la protection internationale

En comparaison du département des Hauts-de-Seine et de la France entière, les primo-arrivants de Gennevilliers présentent des caractéristiques spécifiques. A Gennevilliers, les bénéficiaires de la protection internationale sont surreprésentés et les personnes admises au motif familial sont sous-représentées

Les deux principaux motifs des primo-arrivants vivant à Gennevilliers sont la migration familiale (35 %) et les bénéficiaires de la protection internationale (34 %). Ces proportions diffèrent fortement du niveau national où la part des primo-arrivants issus de la migration familiale est presque 1,6 fois plus élevée que celle des bénéficiaires de la protection internationale, respectivement 51 % et 32 %.

Figure 1 – Répartition des primo-arrivants selon le motif d’admission au séjour
Champ : Pour Gennevilliers et les Hauts-de-Seine : primo-arrivants signataires du CIR en 2021 et au premier semestre 2022.Pour la France entière : primo-arrivants signataires du CIR en 2021. Lecture : 10 % des primo-arrivants de Gennevilliers sont admis au séjour au titre de la migration professionnelle, contre 15 % pour les Hauts-de-Seine et 7 % au niveau national. Sources : Ofii Pour Gennevilliers et les Hauts-de-Seine : données transmises par l’Ofii.Pour la France entière : rapport d’activité de l’Ofii 2021 (annexe 9).

Ainsi, compte tenu de leur part importante au sein des primo-arrivants, l’intégration des bénéficiaires de la protection internationale au sein de la population gennevilloise doit faire l’objet d’une attention particulière. En effet, de manière générale, les bénéficiaires de la protection internationale rencontrent des difficultés plus importantes à leur arrivée en France en matière d’intégration sur le marché du travail, de logement et d’aisance en français compte tenu de leurs origines moins souvent francophones. De plus, leur migration étant par définition plus subie, les problèmes de santé mentale surviennent aussi plus souvent au sein de cette population.

Des primo-arrivants majoritairement de sexe masculin

Au niveau national et départemental, la majorité des primo-arrivants sont des hommes : 55 % en France et 52 % dans les Hauts-de-Seine. Les primo-arrivantes, même si elles sont minoritaires, représentent donc près d’un primo-arrivant sur deux. A Gennevilliers, la proportion de femmes est relativement faible, elles représentent 37 % des primo-arrivants. La forte surreprésentation des hommes primo-arrivants à Gennevilliers s’explique en partie par la répartition des motifs d’admission au séjour, différente à Gennevilliers qu’au niveau national, à savoir :

  • une surreprésentation des bénéficiaires de la protection internationale et de la catégorie « autres motifs » (en grande partie des étrangers entrés mineurs à Gennevilliers) qui sont majoritairement de sexe masculin
  • et la sous-représentation de personnes issues de la migration familiale majoritairement féminine.
Figure 2 – Répartition des primo-arrivants selon le sexe  
Champ : Pour Gennevilliers et les Hauts-de-Seine : primo-arrivants signataires du CIR en 2021 et au premier semestre 2022.Pour la France entière : primo-arrivants signataires du CIR en 2021. Lecture : 37 % des primo-arrivants de Gennevilliers sont des femmes, contre 48 % des primo-arrivants dans les Hauts-de-Seine et 45 % au niveau national. Sources : Ofii Pour Gennevilliers et les Hauts-de-Seine : données transmises par l’Ofii.Pour la France entière : rapport d’activité de l’Ofii 2021 (annexe 9).

Des primo-arrivants d’âge actif

Que ce soit à Gennevilliers ou dans les Hauts-de-Seine, une grande partie des primo-arrivants sont dans la tranche d’âge des jeunes actifs. A Gennevilliers, près de sept primo-arrivants sur dix sont âgés de 26 à 45 ans, deux sur dix ont moins de 26 ans et un sur dix a entre 46 et 65 ans. L’intégration sur le marché du travail est une question centrale de l’intégration des primo-arrivants.

L’intégration sur le marché du travail est une question centrale de l’intégration des primo-arrivants. Une étude a montré que les parcours d’intégration sur le marché du travail étaient différents selon le sexe. Dès leur arrivée, les hommes sont très présents sur le marché du travail avec un taux d’activité (part des personnes en emploi ou au chômage) particulièrement élevé (83 %). Toutefois, même s’ils sont fortement présents sur le marché du travail, leur taux de chômage est particulièrement élevé. Les primo-arrivantes sont en revanche moins présentes sur le marché du travail, leur taux d’activité s’élève à 50 %. Cela s’explique essentiellement par la forte proportion de femmes au foyer (trois primo-arrivantes sur dix).

Figure 3 – Répartition des primo-arrivants selon le groupe d’âges
Champ : Primo-arrivants signataires du CIR en 2019 et au premier semestre 2020 à Gennevilliers et dans les Hauts-de-Seine. Lecture : 22 % des primo-arrivants de Gennevilliers ont entre 19 et 25 ans, contre 12 % dans les Hauts-de-Seine. Note : Les primo-arrivants âgés de 16 à 18 ans, représentant moins d’1 % des effectifs, ne figurent pas dans le graphique. Sources : Ofii – données transmises par l’Ofii.

Des primo-arrivants faiblement qualifiés… ou très qualifiés

La population des primo-arrivants vivant à Gennevilliers forme une population hétérogène quant au niveau des qualifications à leur arrivée en France : plus d’un quart n’ont jamais été scolarisés lorsqu’ils étaient à l’étranger ou ont une formation de niveau primaire ; à l’inverse, un quart des primo-arrivants, soit la même proportion, a fait des études supérieures

Figure 4 – Répartition des primo-arrivants selon le niveau de formation à l’étranger
Champ : Primo-arrivants signataires du CIR en 2019 et au premier semestre 2020 à Gennevilliers. Lecture : 13 % des primo-arrivants de Gennevilliers n’ont jamais été scolarisés. Sources : Ofii – données transmises par l’Ofii.

Une faible aisance en français

L’aisance en français est un facteur déterminant de l’intégration en France. L’ensemble des primo-arrivants signataires du CIR passe un test de positionnement écrit et oral lors de leur journée d’accueil à l’Ofii 

Parmi les primo-arrivants de Gennevilliers signataires du CIR, 49 % se sont vus prescrire une formation linguistique en français par un agent de l’Ofii, contre 37 % des primo-arrivants du département

Ainsi, la part des primo-arrivants ayant une faible aisance en français à Gennevilliers est forte, celle-ci est d’au moins un primo-arrivant sur deux. Cette part comprend :

  • les 49 % de primo-arrivants ayant eu une formation linguistique prescrite dans le cadre du CIR, avec très probablement des besoins de formation de niveaux équivalents au niveau A1, 
  • auxquels s’ajoute une partie des 51 % de primo-arrivants n’ayant pas eu de formation linguistique prescrite, sans que l’on puisse en déterminer la proportion exacte : ces derniers  ont des besoins de formation de niveaux supérieurs afin de disposer d’un niveau de français suffisamment élevé pour être à l’aise dans la vie de tous les jours en France, aussi bien dans le milieu professionnel que dans la vie privée.

Des difficultés de logement

De manière générale, au niveau national, les primo-arrivants sont moins bien logés que la population générale. Ainsi, une étude montre que l’année qui suit l’obtention de leur premier titre de séjour d’au moins un an, près de six sur dix sont locataires

Par ailleurs, une part importante des primo-arrivants ne disposent pas d’un logement autonome au cours de la même période : près de trois sur dix (28 %) sont hébergés par de la famille ou des amis et près d’un sur dix (8 %) vit dans un hébergement collectif.

Les statistiques sur les types de logement dans lesquels résident les primo-arrivants de Gennevilliers ne sont pas connus. Cependant, le contexte très difficile du logement social dans les Hauts-de-Seine et le manque de coordination entre les bailleurs ne favorisent pas l’accès au logement des primo arrivants.

Un difficile accès à la santé

Constat est fait qu’une partie des primo-arrivants ne se rend pas aux points d’accès aux soins et ne bénéficie pas de suivi médical. En particulier, la barrière de la langue et le manque d’accès à des traducteurs limitent d’une part l’accès aux soins, mais aussi la qualité des soins.

Le contrat local de santé de Gennevilliers souligne que les « freins identifiés pour l’accès aux droits sont multiples et souvent liés à une grande méconnaissance du système de santé et des dispositifs, à la complexité des démarches administratives, à la fracture numérique, à la barrière de la langue, à la non-maîtrise de l’écrit et globalement à une faible capacité d’accéder à l’information et de la comprendre en matière de santé.

Des freins à l’accès aux droits

L’Insee mesure qu’en France l’illectronisme concerne 17 % de la population, soit une personne sur six

Le défenseur des droits publie en 2022 « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? ». Celui-ci souligne que « les personnes étrangères sont encore plus massivement empêchées d’accomplir des démarches qui sont absolument nécessaires à leur vie quotidienne et au respect de leurs droits fondamentaux ». Il rappelle également que les « personnes en situation de précarité sociale vivent les démarches numériques comme un obstacle parfois insurmontable, alors que ce sont celles pour lesquelles l’accès aux droits sociaux revêt un caractère vital. » Les compétences numériques sont donc aujourd’hui une compétence primordiale pour les primo-arrivants afin d’accéder à l’ensemble des services publics et aux démarches administratives.

  1. Les principaux axes du CTAI de Gennevilliers

Au final, à la suite des différents groupes de travail, du travail d’analyse statistique et du diagnostic partagé, les partenaires ont émis plusieurs propositions faisant l’objet d’un dialogue entre la Délégation Interministérielle à l’Accueil et à l’Intégration des Réfugiés (DIAIR), la Direction de l’Intégration et de l’Accès à la Nationalité (DIAN), les services préfectoraux et la commune.

Le contrat s’articule ainsi autour de trois axes qui seront déclinés sous la forme de fiche actions :

  • Axe 1 : Améliorer la coordination entre les acteurs : mise en place d’un poste de coordinateur, financé par le CTAI, chargé d’articuler les dispositifs et de mettre en réseau les différents acteurs de la politique d’intégration.
  • Axe 2 : Renforcer les initiatives locales : compléter la formation linguistique, favoriser l’accès aux droits, l’accès à l’emploi, l’accès au logement et l’accès aux soins.

10 Fiches action :

Formation linguistique :

1.Compléter l’offre de formation linguistique existante.

Accès au droit :

2.Approfondir l’apprentissage numérique et faciliter l’accessibilité à des postes informatiques.

Accès à l’emploi :

3.S’appuyer sur les salons de l’emploi existants pour favoriser l’insertion professionnelle.

4.Favoriser l’accompagnement vers l’emploi et la formation notamment des femmes par le biais de mode de gardes innovants.

5.Favoriser l’emploi des réfugiés au moyen des clauses d’insertion.

6.Accompagnement vers et dans l’emploi des primo-arrivants.

Accès au logement :

7.Mieux informer les publics sur les dispositifs et outils existants en s’appuyant notamment sur les échanges avec les bailleurs.

8.Développer de façon expérimentale les offres de logements en colocation.

Accès aux soins :

9.La tente santé – Promouvoir la santé en agissant sur la barrière culturelle et linguistique.

10.Renforcer les actions en faveur de la santé mentale.

  • Axe 3 : S’appuyer sur les dynamiques collectives pour renforcer le lien social : accès à l’aide d’urgence et favoriser les temps d’échanges interculturels et l’intégration par le sport.

3 Fiches actions :

1.Faciliter l’accès aux aides d’urgence.

2.Découvrir la ville et organiser des temps d’échanges interculturels.

3.Développer une offre d’intégration sportive

  1. Partenaires associés à la mise en œuvre du CTAI :

L’Etat et ses services déconcentrés, la Région, le Département, la Direction Régionale Interdépartementale de l’Economie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DRIEETS), France Travail, l’Agence Régionale de Santé (ARS), la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM),  la ville de Gennevilliers et les services municipaux concernés (DDEI, DSA, DMSP, DCJ, DMS, les centres sociaux, cinéma Jean Vigo, le conservatoire, le réseau de médiathèques) , le CCAS, les associations du territoire (Gennevilliers insertion, Mission locale, l’ATMF, l’ARCCAG-ACSEG, CIDFF, Nouvelles voies, Rosi France, K2clic, la régie de quartier du Luth, Euréka, Intervalle92, maison de la solidarité, Insertoit, Croix rouge, Secours populaire, Secours catholique, Restos du cœur, Plein Grés, Be Yourself… ) CHU migrants, foyers ADOMA, Gennevilliers Habitat, I3F

Financement CTAI par l’Etat : 210 984€

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