La cour administrative d’appel de Versailles a décidé de suspendre les textes pris par six maires, il y a un an, pour interdire le pesticide dans leur ville.
Par Ariane RiouLe 16 mai 2020 à 16h34
Le déconfinement vaut-il aussi pour le glyphosate? Voilà presque un an qu’aucune goutte de ce pesticide n’avait été déversée à Bagneux, Chaville, Gennevilliers, Malakoff, Nanterre et Sceaux. Mais le juge des référés de la cour administrative d’appel de Versailles en a décidé autrement. Il vient d’ordonner la suspension de six arrêtés anti-glyphosate pris par les maires concernés.
Depuis janvier 2019, cet herbicide, accusé d’être cancérigène, n’est plus en vente pour les particuliers mais est toujours autorisé pour l’agriculture. Ou, dans les communes urbaines, comme ces six villes des Hauts-de-Seine, pour l’entretien des copropriétés.
« Les communes n’ont pas démontré l’existence d’un danger grave ou imminent »
Pour justifier leurs arrêtés, les élus avaient détaillé le nombre de maisons de retraite, de crèches, d’écoles et de terrains, où le glyphosate, accusé d’être cancérigène, est susceptible d’être utilisé. Pas suffisant pour le juge des référés qui estime que « les communes en cause n’ont pas démontré l’existence d’un danger grave ou imminent […] »
Et de poursuivre que « l’existence de circonstances locales particulières n’a pas davantage été établie » par rapport à d’autres villes franciliennes. Le juge des référés « a estimé qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’incompétence des maires des communes en cause était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité » de ces arrêtés.
« Cette ordonnance n’est pas très motivée. C’est extrêmement décevant, commente Corinne Lepage, avocate des six communes dans cette affaire. Comme pour les masques pendant la crise, cela montre l’incapacité de l’Etat à protéger la population. »
Patrice Leclerc, maire (PCF) de Gennevilliers, juge la décision « déraisonnable ». « À croire que le juge ne tire aucune leçon du scandale sanitaire de l’amiante, fustige l’élu. C’était la même chose que pour le glyphosate : on nous avait dit que ce n’était pas dangereux pour la population et on n’a pas changé d’habitude pendant des années. »
Dans l’attente d’un jugement sur le fond
Ce combat juridique a démarré il y a presque un an dans les Hauts-de-Seine. Sceaux a été la première ville à adopter un arrêté anti-glyphosate, suivie de près par Gennevilliers. Puis d’autres villes dans les mois suivants.
Chaque arrêté avait fait l’objet d’un recours par le préfet des Hauts-de-Seine devant le tribunal administratif de Cergy. Mais, fait inédit, le juge avait donné raison, fin 2019, aux maires et validé la plupart des textes, estimant que les habitants étaient exposés à un « danger grave ».
Ce qui avait poussé le préfet des Hauts-de-Seine à faire appel devant la cour administrative d’appel de Versailles. C’est donc le juge des référés de cette cour qui vient d’ordonner la suspension de l’exécution des arrêtés.
Rien n’est encore définitif. Ces ordonnances ont été prises, « en attente d’un jugement sur le fond ». Au vu des retards pris par les tribunaux avec le confinement, ce jugement ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines.
« De toute façon, cela me paraît compliqué que la cour prenne une décision différente de celle du juge des référés. Ça peut arriver mais c’est rare », reconnaît l’avocate.
Depuis un an, les arrêtés semblaient bien appliqués dans chacune des villes concernées. « Les pratiques ont changé, assure Patrice Leclerc. La SNCF n’utilise plus de glyphosate sur les voies qui traversent la ville. L’arrêté a aussi sensibilisé les copropriétés. Certaines ne se posaient même pas la question des produits utilisés pour l’entretien. Elles sont plus attentives aujourd’hui. »
Comment compte-il, avec ses homologues, riposter ? Pourvoi en cassation ? Saisine des instances européennes ? Les six élus préparent une réponse commune qui devrait être dévoilée ce lundi. Car une chose est sûre : « nous continuerons le combat », martèle Patrice Leclerc.