Le 13 mai se tiennent les assises nationales des collectifs du 29 mai pour l’alternative. 9h30 à 15h00
Bourse du Travail 85 rue Charlot Paris. Métro : République
Les Assises nationales des « Collectifs du 29 mai » et l’adoption d’une « Charte antilibérale pour l’alternative » constituent un événement politique important dans la période. Le 29 mai n’est pas mort, le rejet du libéralisme est toujours là, l’exigence d’une alternative grandit.
Après le Non au TCE exprimé le 29 mai 2005, après la formidable mobilisation victorieuse des jeunes et des salariés contre le CPE, alors que s’engage une action citoyenne d’ampleur contre l’immigration jetable de la loi CESEDA, il n’est pas anodin que les forces qui ont été motrices de la victoire du Non de gauche au référendum, il y a un an, se retrouvent aujourd’hui pour proposer les bases communes d’une alternative antilibérale.
Dans les luttes comme dans les urnes, nos concitoyens ne cessent d’exprimer le rejet des politiques libérales qu’on veut leur imposer depuis 20 ans. Et le 21 avril 2002 est là pour rappeler que notre peuple ne se satisfait plus d’une simple alternance. Il est temps d’ouvrir une véritable alternative et notre Charte se veut une contribution essentielle à ce débat.
Les politiques néolibérales se développent depuis plus de vingt ans à l’échelle de la planète. Remettant en cause plus de deux siècles de luttes sociales et démocratiques, elles orchestrent un véritable recul de civilisation.
Cette offensive tous azimuts veut modifier substantiellement le partage des richesses au bénéfice des profits et des détenteurs de capitaux, élargir la sphère du marché, de la concurrence et de l’appropriation privée, et mettre l’économie hors de portée de la volonté démocratique.
Tous les pays industriels développés ont été dominés par ce dogme libéral : trop de contraintes, pas assez de fluidité, trop d’État et trop de réglementations sociales… Résultat : les profits se sont envolés, tandis que la part des salaires dans les richesses produites a baissé de 10 points en vingt ans.
C’est cela qu’il faut changer. Cela suppose de contester le dogme libéral et de lui opposer d’autres finalités et d’autres méthodes.
Riposter à l’offensive libérale
Pour maximiser les profits du capital, les libéraux ont imposé partout les mêmes règles et méthodes.
Ils baissent le « coût du travail », désengagent les entreprises du financement de la protection sociale et entreprennent une baisse généralisée de la fiscalité sur le capital. À l’échelle planétaire comme à celle de l’Europe, ils amplifient le dumping social, fiscal, environnemental.
Partout, au nom de la nécessaire « fluidité » ou « flexibilité », ils font reculer l’essentiel des droits collectifs et des mécanismes de solidarité, misant sur une insécurité sociale qui amplifierait les replis individualistes au détriment des résistances collectives. Une logique de régression absolue a ainsi commencé de s’installer. Si ce processus continue, les générations futures vivront plus mal que celles qui les ont précédées !
Ils élargissent constamment la sphère du marché, en libérant les échanges et en faisant de l’éducation, de la culture, de l’information, de la santé et du corps humain lui-même de simples marchandises. Ils ouvrent le capital massivement et privatisent des entreprises industrielles et des services publics. Ils sollicitent directement la masse salariale, par l’expansion des systèmes assurantiels et des fonds de pension. Ils mettent au cœur de la dynamique économique la spéculation financière mondialisée, au détriment des investissements matériels et des dépenses sociales.
Ils débarrassent l’État de toutes ses fonctions de régulation et de répartition, tout en renforçant ses instruments de coercition et de contrainte sur les « classes dangereuses » et les individus. L’État social a été remplacé par l’État pénal. Il a vu redéployer ses missions renonçant à agir volontairement sur l’activité économique par sa fiscalité, ses instruments de crédit ou son secteur public. En même temps, partout reculent les instances de concertation et de décision plus ou moins démocratiques, au profit des décisions prises par une poignée de décideurs publics ou privés, « d’ « experts » ou d’instances dites « indépendantes » (Banque Centrale Européenne, autorités de régulation…).
Avec leur ultralibéralisme, ils imposent partout, et notamment en Afrique, un système de dépendance de type néocolonial qui accélère la liquidation de la paysannerie et élimine toute possibilité de souveraineté alimentaire. Pour de nombreux États, cela se traduit par un recul absolu des indicateurs les plus vitaux du développement humain.
Les résultats de ces choix, suivis obstinément depuis plus de vingt ans, dans le cadre de pouvoirs de droite « néolibéraux » ou de pouvoirs de gauche « sociaux-libéraux », ont abouti à des effets désastreux.
Le chômage est maintenu à un haut niveau et la précarité se développe largement, les deux exerçant une pression sur les salariés et encourageant à la résignation.
Le recul de l’État social et la montée de l’autoritarisme ont alimenté un doute massif sur l’action publique, ont favorisé les replis et aggravé le désengagement civique dans tous les pays.
La spirale inégalitaire s’est accélérée, après avoir été atténuée dans les trente années précédentes. La pauvreté s’est étendue et s’est aggravée, à l’échelle du monde comme à celle des pays riches eux-mêmes. Pauvreté et précarité ont déchiré les tissus sociaux, exacerbé les discriminations, incrusté les mécanismes dangereux et violents de « l’exclusion ».
L’environnement s’est un peu plus dégradé, les ressources naturelles ont ét&
eacute; gaspillées, au détriment des pays et des régions les plus fragiles. Le modèle de développement capitaliste libéral mène la planète à une catastrophe écologique.
Le monde de l’information, de la culture et celui de la pensée se sont uniformisés avec la concentration croissante et la domination de quelques grands groupes multimédias transnationaux. Les idées libérales forment la trame d’une sorte de « pensée unique » : le capitalisme et sa « concurrence libre et non faussée » seraient devenus l’alpha et l’oméga de toute organisation sociale, certains allant jusqu’à décréter la « fin de l’Histoire ».
Le capitalisme se développe de plus en plus comme une hyperindustrie culturelle avec au cœur une convergence de nouvelles technologies qui modifient les manières de produire et servent de prétexte à une idéologie du risque cassant les protections sociales au profit de l’actionnaire-roi.
Depuis plus de vingt ans, nous avons pu mesurer les effets d’un véritable projet de société, faisant des indications des marchés financiers la norme et le critère de toute rationalité, publique ou privée. Nous avons pu mesurer la négativité de ces choix quand ils étaient mis en œuvre par des gouvernements de droite, en osmose avec les institutions patronales. Mais nous avons pu voir aussi combien étaient désastreuses toutes les politiques de gauche qui, d’une façon ou d’une autre, partaient du postulat qu’il fallait bien s’accommoder de ces normes capitalistes et libérales.
Dans tous les pays d’Europe, les salariés ont mené de nombreuses luttes massives contre tous ces processus. Des grèves et des manifestations imposantes ont eu lieu ces dernières années, notamment en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche, en Grande-Bretagne ou en France, contre les démantèlements des systèmes de protection sociale et de retraite ou les législations du travail. Une série de scrutins ou de référendums ont également témoigné du rejet massif des politiques libérales. Il s’agit aujourd’hui de rassembler toutes les forces disponibles, de créer les mobilisations d’ensemble nécessaires en France et en Europe pour un autre modèle social fondé sur la satisfaction des besoins sociaux.
Construire une alternative
Nous savons donc aujourd’hui que le réalisme suppose de retrouver collectivement une autre voie. Ce n’est pas la maximisation du profit et la croissance ininterrompue de la marchandisation qui sont la source d’une amélioration de l’état du monde, mais la volonté de voir s’élargir les capacités de chaque personne humaine.
Ce qu’il faut rechercher, c’est la satisfaction des besoins sociaux, le développement des capacités humaines et donc plus de recherche, de qualification, de culture et de démocratie. Cela suppose de répartir et d’utiliser autrement les richesses disponibles, d’instaurer un socle ambitieux de droits collectifs et individuels, de restaurer des politiques publiques actives, de mettre au cœur du projet politique l’appropriation sociale et les services publics, d’instaurer une autre manière de décider de notre avenir commun, de concevoir un « alterdéveloppement », de réorienter la construction de l’Europe et du Monde.
Tandis que les libéraux prônent le retrait de la volonté collective devant les forces obscures du marché, nous affirmons que l’utilisation des ressources disponibles relève de choix politiques. Il faut donc donner aux collectifs humains les moyens nécessaires pour réaliser les objectifs qu’ils se sont démocratiquement fixés.
De tels objectifs se heurtent aux intérêts des forces et classes dominantes, ils susciteront leur résistance. Leur réalisation sera le résultat d’un mouvement continu articulant mobilisations sociales, débats citoyens et actions politiques.
1. Sécuriser l’emploi et augmenter le niveau de vie. Pour en finir avec la faillite sociale du libéralisme…
Plus de 20 ans de domination du libéralisme en France, plus de 20 ans à économiser sur les êtres humains pour maximiser les profits. Les résultats sont hélas connus : plus de 5 millions de chômeurs réels, 4 millions de personnes vivent en-dessous du seuil officiel de pauvreté, 7 millions si on applique les critères d’Eurostat, la précarisation de millions de salariés, d’exploitants agricoles, d’artisans. En France comme ailleurs, les politiques libérales conduisent à une faillite sociale.
Nous n’admettons ni la fatalité du chômage ni celle de la précarité. La norme doit devenir celle de la sécurisation de l’emploi, des revenus et de la formation. L’emploi n’est pas une variable d’ajustement mais un droit social, qui doit être reconnu par la Constitution et doit faire l’objet de politiques cohérentes visant à éradiquer le chômage.
…Une nouvelle politique fondée sur des principes clairs.
Il faut rendre effectif le droit à l’emploi. Pour cela, un nouveau statut du salariat est nécessaire, reposant sur trois grands principes : continuité du contrat de travail, obligation de reclassement, financement mutualisé à la charge des entreprises. Le salarié privé d’emploi conserve ses droits et ses revenus et doit bénéficier d’un service public de l’emploi agissant sur sa formation, qui est un droit, et son devenir professionnel.
Construire un nouveau cadre pour le travail et l’emploi
Un préalable à une politique alternative en matière d’emploi est la suppression des dispositifs libéraux : abrogation du contrat nouvelles embauches et de la loi sur l’égalité des chances (apprentissage à 14 ans, travail de nuit dès 15 ans, clauses de suppression des allocations familiales en cas d’absence…), fin des cadeaux fiscaux et sociaux faits aux entreprises, dont aucun n’a été efficace pour créer des emplois, retour sur les entorses à la durée légale du travail. Le CDI à temps complet doit redevenir la norme avec l’objectif de mettre hors-la-loi le temps partiel imposé ou choisi sous contrainte, Chaque salarié doit avoir la possibilité de disposer d’un emploi stable à plein temps, en CDI, avec la reconnaissance d’un droit à la formation sur le temps de travail.
Les gouvernements libéraux n’ont eu de cesse de réduire les garanties conquises par de longues années de lutte par les salariés. Il convient de les rétablir en donnant aux salariés et aux services de l’État des moyens réels de contrôle. Pour contrecarrer le droit tout puissant du patronat à licencier, les élus du personnel disposeront d’un droit de veto suspensif et verront leurs pouvoirs élargis en matière d’emploi et de revenu. Les procédures de contrôle public seront renfo
rcées, en redonnant ses moyens et prérogatives à l’inspection du travail, en rétablissant en la renforçant l’autorisation administrative de licenciement. Les licenciements boursiers seront interdits par voie législative et les licenciements abusifs frappés de nullité avec obligation de réintégration.
Les concentrations capitalistes ont suscité des cascades de sous-traitances subissant des contraintes de plus en plus lourdes, qui conduisent dans bien des cas à des faillites, au nom de la « concurrence libre et non faussée ». La puissance publique doit mettre un terme à la logique du dumping social en assurant le respect des droits sociaux.
Enfin, les délocalisations doivent faire l’objet d’un contrôle, avec, là aussi, création d’un droit de veto suspensif des représentants du personnel, et d’un droit de préemption, voire de réquisition par les salariés et/ou la collectivité des entreprises abandonnées par leurs patrons pour cause de délocalisation ou de suppression d’activité.
Assurer à chacun un emploi et un revenu décent
Le pouvoir d’achat doit être revalorisé et le droit au salaire garanti ; l’écart des salaires doit être réduit. La première priorité est le relèvement des salaires, revenus et indemnisations les plus bas. En particulier, le SMIC – qui doit être conforté – ne doit pas être inférieur à 1 500 euros et les minima sociaux doivent permettre à chacun de pourvoir aux besoins d’une vie décente. D’autre part, le relèvement des rémunérations du travail est un levier puissant de dynamisme économique. Conjugué à un objectif de plein emploi, il permet de financer des assurances sociales (maladie, retraite, famille) qui demeureront bien entendu mutualisées
L’action contre le chômage s’appuiera sur trois piliers : la création d’emplois publics répondant prioritairement aux besoins sociaux, sur le développement de l’activité économique utile et la réduction du temps de travail à 35 heures pour toutes et tous, sans perte de salaire ni aggravation de la flexibilité. Au fur et à mesure des gains de productivité, notre objectif est d’atteindre une semaine de 32 heures : il faut en finir avec l’antienne de la droite et du patronat qui consiste à rabâcher qu’on peut « travailler plus pour gagner plus » : dans le meilleur des cas, on travaille plus pour gagner autant.
Des moyens au service d’une politique de l’emploi
Ne l’oublions pas, les dix points de produit intérieur brut volés en dix ans par le capital sur les revenus du travail représentent, chaque année, 160 milliards d’euros. A ceux qui diront « comment ferez-vous », répondons qu’il y a de quoi faire.
Le rétablissement d’une juste rémunération des revenus du travail nécessite une refonte de la fiscalité sur les revenus du capital (y compris les avantages exorbitants dont bénéficie une classe étroite de dirigeants), sur les transactions financières, sur la spéculation immobilière.
Rémunérer mieux le travail, étendre le travail en réduisant le chômage, c’est évidemment s’en prendre à la rémunération et aux intérêts du capital, c’est donc heurter de plein fouet des intérêts puissants. Mais ce n’est pas mettre en danger l’économie, quoiqu’en diront les libéraux : ce n’est pas le revenu national qui change, mais sa répartition. Nos propositions sont réalistes. Leur réalisation nécessite le soutien de la population et l’action déterminée de la puissance publique. Ce sont, tant pour l’emploi que pour les autres volets, les conditions impératives d’une alternative aux politiques libérales
2. Installer un socle de droits collectifs et individuels
Ce qui est vrai sur le plan social et économique l’est aussi sur tout ce qui fonde une société : le libéralisme tend à nous « individualiser » face au marché sans réels droits garantis par la collectivité. Il tend ainsi à rogner, voire à supprimer les protections collectives et les droits fondamentaux. Il parle d’égalité des chances pour masquer l’inégalité profonde des droits. A l’inverse nous réaffirmons non seulement l’exigence pour une société de garantir à ses membres un ensemble de droits fondamentaux et universels mais aussi les moyens de les appliquer. Ce qui en premier lieu implique de faire de l’extension et de l’exercice des droits une obligation constitutionnelle, en considérant que l’engagement de l’État pour y parvenir relève d’une obligation.
Les droits universels concernent le respect de la personne en tant que telle et dans sa propre intégrité. Ils comprennent l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté de conscience (et son corollaire, la laïcité qui doit être défendue et étendue), la liberté de disposer de son corps…
Les droits fondamentaux doivent garantir, à toute personne qui y réside, une vraie place dans la société ainsi que lui permettre l’expression de sa responsabilité pleine et entière.
La primauté de la loi doit être respectée.
Cela suppose notamment de :
Garantir l’accès pour tous aux biens communs de l’humanité et leur préservation : l’eau, l’air, l’énergie, un environnement de qualité…
Assurer la mise à disposition pour tous des besoins sociaux fondamentaux (droit à un logement décent, droit à la santé, à l’éducation, à une information pluraliste, à la culture, à un revenu minimum garanti, à un accès aux transports qui puissent assurer la liberté de circulation de chacun…). Cela passe par la création, la restauration et/ou le développement d’un service public et cela peut aller jusqu’à la gratuité dans certains domaines. En matière de logement notamment, le droit doit être opposable en justice aux administrations chargées de son application.
Élargir les droits et les pouvoirs des salariés dans les entreprises.
Rétablir le principe de faveur : les accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables aux salariés que les accords de branche, lesquels ne peuvent moins favorables que le Code du travail.
Abroger les lois démantelant la protection sociale. En particulier, prendre en charge à 100 % les soins de santé et rétablir le droit à la retraite à taux plein à 60 ans, sur la base des 37,5 annuités.
Abroger les lois discriminantes vis-à-vis des migrants et garantir leurs droits, à commencer par une régularisation des sans-papiers et l’octroi d’une carte de résident de dix ans ; lutter contre toutes les discriminations ; réhabiliter le sens de la fraternité autant que celui de solidarité.
Revenir sur les lois liberticides adoptées depuis 2001.
Développer l’exercice de la citoyenneté dès l’enfance avec l’enseignement ; faciliter l’exercice de responsabilités par les jeunes mais aussi tout au long de la vie par des assemblées de citoyens effectivement impliquées à tous les niveaux de décision ; instituer le droit d’initiative populaire. Garantir la liberté d’expression et le respect des libertés publiques.
Considérer que la culture est un vecteur nécessaire de l’émancipation des femmes et des hommes, en encourageant l’accès à la création et aux œuvres, notamment par l’école et l’éducation populaire. Ceci n’est possible qu’en mettant fin à l’hégémonie de quelques groupes financiers sur la production culturelle. Dans ce cadre, nous défendrons, pour tous les peuples, le droit à l’exception culturelle.
3. La dimension transversale de l’objectif d’égalité hommes/femmes
Alors que les droits des femmes n’ont jamais été prioritaires en Europe, nous voulons en faire une exigence éthique et démocratique. C’est un fait que les premières victimes du libéralisme sont les femmes. Leur taux de chômage est plus élevé, elles subissent davantage le temps partiel imposé, elles touchent des salaires plus faibles. Elles constituent en Europe la majorité des travailleurs pauvres, des chômeurs non indemnisés, des retraités qui perçoivent une pension inférieure au minimum vieillesse. Cette régression constitue une régression pour toute la société.
Nous devons mettre la réalisation de l’égalité entre femmes et hommes au rang des valeurs fondamentales. Elle fait partie de nos priorités et nous proposons une politique volontariste et cohérente en la matière. Les droits humains fondamentaux des femmes considérés comme des acquis non négociables sont les suivants :
Le droit des femmes à disposer de leur corps par la contraception et l’avortement libre et gratuits doit être appréhendé comme un droit universel, préalable à leur émancipation dans la société. Il ne saurait donc être soumis au relativisme culturel. Il implique notamment des moyens nouveaux pour la gynécologie hospitalière et médicale.
Le droit à vivre sans violence, dans le respect, l’intégrité et la dignité de la personne conduit à prendre des mesures pour éradiquer les violences subies par les femmes.
L’intégration dans tous les domaines (éducation, formation, marché du travail, administrations, etc.) de la lutte contre les stéréotypes sexistes qui enferment hommes et femmes dans des rôles sociaux spécifiques.
Le droit à l’emploi, à un revenu minimum, à une pension, aux allocations de chômage.
La répartition équitable entre les hommes et les femmes du travail rémunéré (travail professionnel) et du travail non rémunéré (travail domestique et parental) permettant aux femmes leur autonomie.
La représentation équilibrée des femmes et des hommes (parité) dans la vie démocratique, à tous les niveaux de décision.
Le refus de l’esclavage sexuel et de la prostitution.
La capacité pour chacune et chacun de choisir son orientation sexuelle.
4. Une nouvelle appropriation sociale et une refondation des services publics
Le développement des services publics est la garantie première de la mise en œuvre égale des droits fondamentaux, de leur accessibilité à toutes et à tous, sur tout le territoire. Ce principe fondamental d’une société solidaire est contredit par la logique de privatisation qui a prévalu depuis une vingtaine d’années. Pour inverser cette logique, nous mettons en débat les perspectives et propositions suivantes.
L’arrêt des privatisations totales ou partielles et le refus de l’ouverture du capital : l’ensemble des services et des entreprises de réseaux concernés doivent relever du secteur public, sous forme de monopoles publics (énergie, transports, télécommunications, activités postales, autoroutes…).
L’exercice des missions de services publics, à tous les niveaux, par des opérateurs publics doit être la règle. En cas de délégation, celle-ci doit exceptionnelle, limitée et contrôlée, et le retour à un opérateur public doit être possible à tout moment.
Des services publics de l’eau, du logement, de la petite enfance, d’aide aux personnes dépendantes doivent être créés. En ce qui concerne le logement, la maîtrise publique des sols urbains doit être instaurée, la spéculation immobilière lourdement taxée, les loyers encadrés.
Les services publics doivent être protégés de la concurrence, ce qui suppose la sortie de l’AGCS, le refus de toute directive de type « Bolkestein » et de toutes les directives européennes de libéralisation. La coopération entre les opérateurs publics nationaux doit s’engager au niveau européen. Dans certains domaines (l’énergie, les services postaux, les télécommunications, le transport ferroviaire, la sécurité alimentaire, maritime et aérienne…) la création de services publics européens est à l’ordre du jour.
La gratuité doit être un objectif pour la plupart des droits fondamentaux : c’est au moins le cas pour l’enseignement, la petite enfance, la santé et aussi les transports publics urbains. Pour les services qui ne sont pas gratuits, des tarifs abordables et identiques doivent être garantis partout et de façon égale.
La démocratisation des services publics passe par un pouvoir de contrôle et de décision des usagers, des élus et des salariés. Il faut conjuguer la nécessaire proximité locale et la pertinence d’un cadre national pour déterminer les grands choix tarifaires, d’investissement, de nouveaux services et de normes de qualité ; pour garantir l’égalité d’accès de tous les citoyens. Une évaluation doit être faite de l’efficacité des services rendus, de leur organisation et de leurs coûts, non pas d’abord en fonction de règles comptables mais en fonction de la satisfaction des besoins.
5. Engager des politiques publiques actives, avec des moyens correspondants
Pour contredire la logique de la main libre aux marchés financiers, il faut agir avec détermination. Plusieurs types d’interventions et de moyens peuvent être combinées dont il convient de débattre :
L’objectif de politiques économiques publiques (d’investissement, de recherche, d’innovation) doit porter sur les domaines qui conditionnent la satisfaction la plus large des besoins sociaux. Elles doivent se mener dans le cadre d’une planification démocratique et viser notamment le maintien des emplois, la diversification des activités et l&
rsquo;économie des ressources non renouvelables. Pour contribuer à cet effort, l’économie sociale et solidaire sera encouragée.
Les ressources budgétaires nécessaires doivent pouvoir être mobilisées, ce qui suppose de mettre fin aux logiques du Pacte de stabilité qui limitent la dépense publique.
La fiscalité devrait être réformée afin d’accroître les ressources et de les orienter vers les dépenses utiles et non vers les placements financiers. Dans ce cadre s’imposent la revalorisation de l’impôt sur les hautes tranches de revenus, une taxation plus forte du patrimoine et des fortunes, un relèvement de la fiscalité sur les entreprises et sur les profits non réinvestis, ainsi que sur les transactions financières et la publicité. A l’inverse, la TVA sera supprimée sur les produits de première nécessité.
L’indépendance accordée aux dispositifs bancaires, à l’échelle nationale et supranationale, devrait être remise en cause afin qu’ils soient placés sous contrôle démocratique et mis au service des objectifs démocratiquement décidés.
Le crédit doit être réorienté, dans une logique ouvertement publique de développement humain et durable. Un pôle public de crédit sera mis en place. Par ailleurs le contrôle des fonds publics sera assuré et démocratisé.
6. Un renouveau démocratique
Dans la reconstruction que nous opposons à la logique des libéraux de tout poil, la dynamique démocratique n’est pas un supplément d’âme. C’est une rupture démocratique que nous entendons promouvoir.
Face aux choix dictés par une minorité qui détient tous les leviers de commande, il faut mettre la souveraineté populaire mise à mal ou dévoyée par l’offensive libérale au centre de notre projet démocratique.
Cela passe par la mise en place d’une autre République, d’une Sixième République instaurant un nouveau système politique, d’une République démocratique et sociale, représentative et participative, laïque et émancipatrice. Elle ne doit pas être décidée « par en haut » : son architecture devrait faire l’objet d’un vaste débat national, suivi de l’élection au suffrage universel d’une Constituante, puis d’un vote par référendum.
Elle implique d’abord la remise en cause de la monarchie présidentielle induite par l’élection du chef de l’État au suffrage universel, la subordination de l’Exécutif à l’Assemblée, la désignation de cette dernière à la proportionnelle, la suppression du Sénat actuel, la désignation par le suffrage populaire des instances décisionnelles, la limitation drastique des autorités prétendues indépendantes qui échappent à la souveraineté populaire.
La souveraineté populaire sera également renforcée par la parité, ainsi que par le non-cumul et le raccourcissement des mandats. Un statut de l’élu lui garantissant ses droits sociaux et professionnels en fin de mandat serait en revanche créé.
L’égalité de tous sur le territoire sera restaurée, la nécessaire décentralisation ne devant pas être le cheval de Troie des inégalités sociales, fiscales, etc… ni le cadre d’une reféodalisation des territoires et des pouvoirs.
L’exercice de la citoyenneté sera étendu et les pouvoirs directs des citoyens considérablement élargis, avec des droits d’initiative et de contrôle ; la généralisation de la démocratie participative viendra compléter la démocratie représentative. Le référendum d’initiative populaire sera instauré. Les associations, maillon irremplaçable du tissu social, de la démocratie et de l’éducation populaire, bénéficieront des moyens permettant leur fonctionnement indépendant.
De nouveaux droits dans l’entreprise devraient établir en tout domaine la possibilité d’intervention des salariés, de leurs institutions et de leurs organisations. Cela passe notamment par l’extension des droits du Comité d’entreprise, avec notamment l’instauration d’un droit de veto sur toute disposition contrevenant aux droits fondamentaux des salariés, et son obligation dans les entreprises de moins de 50 salariés. Le code du travail devra intégrer le meilleur des conventions collectives de branche et des accords d’entreprise pour faire converger par le haut les droits des travailleurs.
L’extension des droits démocratiques aux résidents étrangers immédiatement aux élections locales comme pour tous les citoyens européens et aux autres élections. Reste à préciser les modalités de ce principe : droit de vote et donc de citoyenneté donné tout simplement aux résidents ou large extension de l’acquisition de la nationalité.
Le droit à l’information, le pluralisme des courants d’opinion, la diversité des composantes du peuple et le débat contradictoire doivent être garantis grâce à un service public de l’audiovisuel démocratisé, mieux financé par l’accroissement des ressources publiques, et grâce à l’essor de média associatifs libérés des contraintes publicitaires.
On ne peut dissocier la question de la démocratie en France de celle de la construction d’une Union Européenne qui est souvent un moyen de s’abstraire de tout contrôle populaire. Devra notamment être garanti dans notre constitution le droit imprescriptible du peuple de refuser une loi ou des règles européennes au moyen du suffrage universel direct.
7. Un nouveau type de développement
La logique du libéralisme est par nature gaspilleuse et prédatrice. À sa place, il convient de mettre en œuvre une conception radicalement différente du développement : économe en ressources naturelles, écologique, respectueuse de l’environnement, centrée sur le développement des capacités humaines et le respect de la diversité culturelle.
L’objectif de la vie économique ne devrait pas être la croissance pour elle-même mais l’utilité sociale des activités et des productions. Il faut mettre en place à tous les niveaux de nouveaux indicateurs de développement humain, centrés sur la satisfaction des besoins sociaux, sur le modèle des travaux du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), et ne pas en rester aux actuels indicateurs de croissance comme le PIB.
Un véritable service public de l’environnement doit être constitué pour assurer l’accès de tous aux biens communs et protéger les ressources naturelles vitales. Il devra permettre en particulier le retour à la gestion publique de l’eau et des déchets.
La lutte contre les pollutions doit faire l’objet de mesures contraignantes.
Nous refusons le principe des « droits à polluer » qui exonèrent les entreprises de leurs responsabilités en la matière.
Une logique publique de réduction des pollutions doit guider une politique des transports visant à réduire nettement le transport routier de marchandises, à développer les transports publics de voyageurs. Il faut remettre en cause l’utilisation de la voiture en centre-ville et le tout-camion pour le transport de marchandises. Dans ces domaines, une logique de service public est la seule à même de contredire la concurrence, qui se fait aujourd’hui au détriment des transports ferroviaires et fluviaux.
En matière énergétique, des choix nouveaux doivent s’imposer autour des principes suivants : économies d’énergie, diversification des sources et promotion des énergies renouvelables ; développement des conditions de transparence et de sécurité ; contrôle démocratique étendu ; respect strict du principe de la maîtrise publique. La constitution d’un pôle public de l’énergie en sera l’outil. Sortie progressive du nucléaire ou maintien d’un nucléaire sécurisé et public, le débat est ouvert. Un contrôle indépendant doit permettre d’assurer la transparence du dossier. Un débat citoyen sur l’avenir du nucléaire sera conduit de bout en bout, de l’information à la décision.
Il est temps d’en finir avec les bonnes résolutions sans lendemain et de faire de la lutte contre le changement climatique une vraie priorité. La création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement, dont les décisions prévaudraient notamment sur les normes commerciales, en serait la garante. La politique des transports doit être réorientée au niveau européen en tenant compte de cet objectif, à travers une harmonisation fiscale et sociale vers le haut du transport routier. Un programme national d’économies massives d’énergie dans les logements et de développement des énergies renouvelables remplacer l’inefficace « Plan climat » adopté par le gouvernement Raffarin.
Nous devons agir pour le maintien de la diversité biologique. La publication d’un diagnostic régulier des espèces en voie de disparition, des sites gravement pollués et des milieux biologiques menacés devra être rendue obligatoire.
Il faut mettre un coup d’arrêt à la volonté de quelques firmes d’imposer les cultures d’OGM contre la volonté des peuples. Les cultures d’OGM en plein champ devront être interdites, de même que le développement d’OGM à finalité alimentaire car ceux-ci ne respectent pas le principe de précaution et entendent soumettre les agriculteurs aux semenciers. De même, il faudra refuser clairement toute brevetabilité du vivant. La politique agricole remettra en cause en cause la logique exportatrice subventionnée qui déstabilise les agricultures du Sud, en cohérence avec la préservation de la souveraineté alimentaire, ce qui suppose d’organiser les relations commerciales internationales sur d’autres bases que la concurrence généralisée. Les revenus agricoles seront revalorisés, sans pénaliser le consommateur final, en agissant sur les filières de distribution.
8. Une autre Europe dans un autre monde
L’Europe constitue pour nous, collectifs du 29 mai, un enjeu particulièrement décisif. Nous proposons que l’Union européenne abolisse la primauté donnée au principe du respect l’économie de marché où la concurrence est libre et non faussée. Les traités actuels qui régissent l’Union seront abrogés et remplacés par de nouveaux textes fondateurs. Un processus démocratique et populaire. Sa méthode (processus, renégociation des traités…) doit être débattue.
L’Europe que nous voulons sera une Europe sociale, qui intègrera les conventions démocratiques et sociales internationales existantes, énoncera et concrétisera les droits sociaux fondamentaux, respectera le principe de non-régression et instituera un droit social européen contre les logiques de concurrence et de dumping. Des normes de salaire minimum et de minima sociaux, de droits sociaux fondamentaux, seront fixées selon des modalités permettant la convergence par le haut. Un budget communautaire conséquent et une harmonisation des fiscalités du capital conforteront ces évolutions sociales.
L’Europe que nous voulons sera celle de l’emploi en coordonnant la lutte contre le chômage et la précarité. À cet effet, le Pacte de stabilité sera dénoncé et il sera mis fin à « l’indépendance » de la Banque Centrale Européenne, dont les statuts et les missions seront révisés. Une réduction simultanée du temps de travail permettra de créer des emplois, tandis que des dispositifs seront instaurés contre les licenciements collectifs et les délocalisations. Une politique coordonnée de croissance socialement utile sera impulsée en matière de grands réseaux transeuropéens de transport et d’énergie, de recherche et développement des technologies nouvelles, de logement, de rénovation urbaine, de transports collectifs.
L’Europe que nous voulons sera celle des services publics. Les libéralisations en cours seront stoppées et les et les conséquences sociales des libéralisations passées feront l’objet d’une évaluation publique. La coopération entre les services publics de réseau permettra l’émergence de services publics européens. Ces services doivent trouver une place centrale dans le droit fondamental de l’Union et être placés hors du champ de la concurrence. Cela suppose de les exclure des négociations commerciales internationales type AGCS.
L’Europe que nous voulons impulsera un nouveau type de développement. Une Charte fixera les ambitions européennes d’un « alterdéveloppement » humain, économe et donc durable. Cela suppose d’agir pour l’expansion du ferroviaire et de la voie d’eau, la sécurité maritime, la lutte contre les inondations, les économies d’énergie et l’essor des énergies alternatives renouvelables, la protection des milieux naturels et l’amélioration des cadres de vie. En matière énergétique, devront primer des choix permettant de promouvoir les économies d’énergie, la diversification des sources et l’énergie alternative renouvelable. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre fera l’objet d’objectifs et de moyens pour les atteindre. La maîtrise publique de la sécurité en matière d’énergie nucléaire sera affirmée.
L’Europe que nous voulons sera celle de la relance démocratique. Une nouvelle Charte des droits et libertés sera élaborée démocratiquement et son application sera impérative pour tous les États de l’Union. Les institutions fonctionneront selon le
double principe de la souveraineté populaire et de la subsidiarité. Elles reposeront sur une citoyenneté européenne élargie, sur des droits d’initiative citoyenne renforcés, sur un renforcement des pouvoirs du Parlement européen pour réduire les prérogatives de l’Exécutif, et sur une coopération plus solide avec les Parlements nationaux.
L’Europe que nous voulons sera celle de la solidarité et de la paix. L’Europe annulera la dette des pays du Sud, augmentera son aide au développement et reconnaîtra aux pays du Sud le droit de protéger leur appareil économique. Elle recherchera d’autres modalités de coopération, hors de tout impérialisme économique, technologique ou culturel. Elle bannira tout soutien et toute intervention militaire au profit de régimes dictatoriaux et autoritaires (Afrique…) ; elle coopérera avec les sociétés civiles. Elle agira partout en faveur du désarmement et de la paix, de l’abaissement des budgets militaires et d’un processus de dénucléarisation. Elle se placera en rupture avec la politique agressive développée par les États-Unis, et s’émancipera du cadre de l’OTAN qui ne doit en aucun cas être tenue pour une institution européenne. Les troupes de pays membres de l’UE intervenant dans ce cadre sur divers théâtres d’opération (Afghanistan, Irak…) doivent être retirées. L’Europe refusera la banalisation et l’emploi de l’arme nucléaire.
Ainsi conçue, l’Europe sera un levier pour construire une alternative à la mondialisation capitaliste, injuste et belliciste. Elle promouvra une logique de la solidarité qui supplantera l’inégalité croissante qui résulte de la libéralisation effrénée. Cela suppose de contredire partout les normes édictées par les multinationales, le G8 et les institutions financières internationales. Cela implique, entre autres : de remettre en cause la logique et le mode de fonctionnement de l’OMC ; de subordonner les normes commerciales aux normes sociales, sanitaires et environnementales ; de lutter contre les paradis fiscaux et judiciaires ; d’établir les relations Nord-Sud sur la logique du codéveloppement, ce qui implique en premier lieu que les peuples et les nations redeviennent maîtres de leurs richesses naturelles ; d’annuler la dette ; de refonder les institutions internationales ; d’abonder le fonds de développement culturel à destination des pays du Sud prévu dans la Convention pour la diversité culturelle de l’UNESCO.
La mise en œuvre de ces ambitions ne pourra se faire par de simples négociations diplomatiques, mais par le déploiement d’un mouvement populaire européen susceptible de bousculer les résistances et d’imposer une autre perspective.